Toujours aussi passionnée par l’Afrique, Rama Yade fait son « come-back » à Washington avec de nouvelles fonctions importantes pour l’avenir du Continent. L’ancienne Secrétaire d’État française aux Affaires étrangères (2007-2009) prend en effet la tête du Département Afrique de l’Atlantic Council. Un poste d’influence, aussi prestigieux que stratégique !
Chercheuse principale au Centre pour l’Afrique de l’Atlantic Council depuis 2019 à Washington, Rama Yade vient d’en prendre officiellement la tête. L’Atlantic Council en a fait l’annonce en soulignant le riche et original parcours de celle qui – en devenant en juin 2007 Secrétaire d’État aux Affaires étrangères et aux Droits de l’Homme à 30 ans – fut aussi la première femme d’origine africaine à devenir membre du gouvernement français. Une grande première sous la présidence de Nicolas Sarkozy.
« Originaire du Sénégal et de nationalité française, Rama Yade nous apporte une expérience impressionnante de haut niveau sur la scène internationale qui permettra au Centre pour l’Afrique de se faire connaître et de s’appuyer sur son travail de porte-parole des agences africaines et des partenariats transatlantiques », souligne ainsi l’Atlantic Council, dans un long communiqué publié lundi soir 29 mars à Washington.
En 2017, elle a incarné
« La France qui ose ! »
Celle qui fut pendant de longs mois en France la ministre la plus populaire au cœur des Français, échouera cependant – faute de recueillir les 500 signatures nécessaires d’élus parrainant sa candidature – à défier Emmanuel Macron et à se présenter à l’Elysée en 2017 sous la bannière du mouvement qu’elle a lancé avec peu de moyens : « La France qui ose ! ». Après avoir été de 2007 à 2009 au Quai d’Orsay, secrétaire d’Etat chargé des Sports en 2010, puis éphémère Ambassadrice de France à l’Unesco en 2011, Rama Yade s’éloigne peu à peu de la classe politique, à laquelle elle tourne le dos, et fait aujourd’hui aux États-Unis son retour par la grande porte sur la scène internationale.
À l’issue de cette carrière politique éclair, Rama Yade se partage en effet entre la France et les États-Unis, où elle devient consultante de la Banque mondiale. Après avoir été dès 2002 en France administratrice du Sénat, elle est aujourd’hui enseignante à Sciences Po Paris et, depuis peu, à l’Université Polytechnique Mohammed VI au Maroc, où elle anime un cours intitulé « L’Afrique au centre du monde ».
Défenseure de la dignité
et des droits humains en Afrique
« Le parcours et l’expérience extraordinaires de l’ambassadrice Yade en ont fait le choix idéal pour diriger les travaux du Centre pour l’Afrique afin de forger des partenariats transatlantiques plus solides en Afrique à ce moment charnière pour l’avenir du Continent », a souligné le président-directeur général de l’Atlantic Council, Frederick Kempe.
« Sa profonde connaissance des problèmes, ses relations à travers le Continent et en Europe, et sa passion contagieuse pour l’autonomisation humaine, les opportunités économiques et la sécurité en Afrique sont sans égal. Les décideurs du monde entier bénéficieront de ses idées novatrices et de sa perspective unique. »
Au cours de sa brillante carrière ministérielle, Rama Yade s’est de surcroît fait remarquer par son travail en faveur de la promotion de la dignité et des droits humains en Afrique.
Du Soudan à la RDC, elle a ainsi mobilisé la communauté internationale pour agir au nom des droits des femmes, des droits des enfants à travers par exemple l’intégration des enfants soldats ou en faveur de la protection des réfugiés. Sans oublier la défense de la liberté d’expression sous toutes les latitudes, et notamment dans certains pays d’Afrique où la presse est plutôt mal vue.
«Une personne sur quatre dans
le monde sera africaine d’ici à 2050 »
« Je suis fière de cette opportunité me permettant d’avoir un impact mondial à un moment critique pour l’Afrique et ses partenaires en Amérique du Nord et en Europe », s’est félicitée Rama Yade, qui remet ainsi en perspective la mission qu’on lui confie :
« En accordant la priorité au continent africain, le Conseil atlantique prépare les décideurs à l’ouverture d’un siècle africain, au cours duquel une personne sur quatre dans le monde sera africaine d’ici 2050. » Avant d’enchaîner : « Je suis impatiente de travailler en étroite collaboration avec les décideurs et les partenaires en Afrique, non seulement pour changer le discours africain, mais aussi pour changer les règles pour permettre une plus grande prospérité. »
«Notre sécurité nationale
et notre prospérité économique
seront directement liées
à l’essor de l’Afrique »
« L’importance stratégique de l’Afrique pour les États-Unis ne peut être sous-estimée », a déclaré pour sa part le général James Jones, président exécutif émérite de l’Atlantic Council et ancien patron du Conseil national de sécurité.
C’est d’ailleurs sous sa présidence que l’Atlantic Council a créé le Centre pour l’Afrique en 2010, en tant que premier centre régional. Et d’ajouter : « Notre sécurité nationale, notre prospérité économique et notre position géopolitique au XXIe siècle seront directement liées à l’essor de l’Afrique. Il n’y a pas de meilleur moment pour le Conseil atlantique de redoubler d’efforts pour générer des solutions innovantes pour les problèmes les plus urgents auxquels sont confrontés les États africains. »
Lors de la remise du Prix Mondiapress, dont elle fut la marraine à l’Unesco en mai 2018, l’ancienne ministre avait d’ailleurs longuement improvisé avec brio sur les richesses d’un Continent en pleine mutation :
« Nous avons aujourd’hui une révolution économique exceptionnelle, des pays émergents qui sont surtout en Afrique, une révolution numérique, des starts up, une jeunesse bouillonnante, diplômée, connectée sur le monde, des élites mondialisées, une classe moyenne de 500 millions de personnes qui a émergé en moins de 10 ans, sans parler de l’effervescence culturelle du Continent ». En Afrique, il y a donc bien des défis à relever et Rama Yade veut s’investir corps et âme dans cette belle aventure.
«Une plateforme d’influence
pour les personnalités africaines »
Ce Centre Afrique – dont elle prend aujourd’hui la direction – va agir comme « une plateforme d’influence pour les personnalités africaines de premier plan en visite à Washington », confie-t-elle. Une plateforme qui va se révéler vite « incontournable » pour la nouvelle génération de dirigeants africains s’apprêtant à prendre la relève aux quatre coins du Continent. En 2020, le Centre Afrique de l’Atlantic Council a ainsi déjà réuni plus d’une douzaine de chefs d’État et de ministres africains et a mené des dialogues politiques sur des questions allant aussi bien du commerce et du COVID-19 à la politique du Soudan ou à la crise humanitaire en Éthiopie.
En octobre dernier, le Centre s’est associé à la US International Development Finance Corporation pour accueillir Investing in Africa’s Future , l’une des plus grandes réunions américaines de dirigeants africains ces dernières années. Le Centre a également ouvert la voie à la croissance tirée par le secteur privé et au financement du développement en s’associant à la Société financière africaine pour lancer l’Initiative Afro-Century.
C’est donc bien un poste stratégique pour l’Afrique et les relations du Continent avec le Nouveau Monde que va occuper aux États-Unis Rama Yade, qui ne manque ni d’ambitions ni de talents – comme on le savait depuis longtemps – et fait ainsi son « come-back » sur la scène internationale.
Par Bruno FANUCCHI pour AfricaPresse.Paris (APP)
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